Avec ce printemps qui joue au chat et à la souris, c'est près de la cheminée que je passe ces journées plutôt fraiches... et en feuilletant un vieil album photo de famille, je suis tombée sur une photo de mon arrière-arrrière-grand-père, un graniteur du mont-Blanc. Peu connus, j'ai eu envie de vous parler de ces hommes qui ont façonnés notre pays....
Lorsque vous vous promenez au pays du mont-Blanc, vous passez tous les jours autour et dessus les nombreuses œuvres réalisées par les graniteurs du mont-Blanc, ces tailleurs de pierre qui n’ont pas eu peur de s’attaquer à la dureté du granite de nos régions, la protogine, pour construire les villes et les monuments de notre pays.
Leur trace est partout au cœur de nos villages avec les escaliers, perrons, trottoirs, les bassins-lavoirs, les encadrements de porte, les monuments funéraires. Leur œuvres se retrouvent aussi sur les frontons de nos édifices : églises, mairies, casinos, résidences, et se sont exportées dans la région avec la boule de Sévrier près d’Annecy qui mesure pas moins de 3 m de diamètre, les trottoirs de Genève et son pont du mont-Blanc, le monument aux morts de Morette près de Thônes.
Ces tailleurs de pierre réalisèrent aussi de nombreux ouvrages d’envergures tels que les thermes de Saint-Gervais, le pont de voie ferrée Sainte-Marie aux Houches, la grenette de Sallanches, la chapelle de Notre-Dame-de-Toute-Grace à Passy, le barrage de Pizançon dans la Drôme. Leurs meules à broyer les olives sont exportées jusqu’en Tunisie et en Algérie alors que des meules pour le papier sont envoyées en Belgique.
L’exploitation des carrières de granite a débuté au milieu du XIXème siècle. En 1840, Sallanches est totalement dévastée par un incendie. Le roi Charles-Albert de Sardaigne, connu également sous le nom de Charles-Albert de Savoie en raison à son appartenance à la maison de Savoie, Prince de Piémont et Duc de Savoie, a pris en charge la reconstruction de Sallanches et fait venir des tailleurs de pierre de la région du lac Majeur et du Piémont.
On édifie une ville neuve. L’architecture des bâtiments reconstruis est de style néo-classique sarde ce qui ne plait pas forcément à tout le monde tel que précise le voyageur Francis Wey « Si Sallanches avait pu conserver ses rues, ses monuments et la physionomie que tant de siècles lui avaient imprimés, elle offrirait le double attrait d'une ville gothique des Flandres, étalée au milieu d'un des sites les plus splendides qui soient au monde. » On fait place nette et on édifie une ville neuve selon un plan orthogonal de l'ingénieur Justin sur le modèle turinois, celui que l'on découvre aujourd'hui dans le cœur historique. »
Dès leur arrivée, les graniteurs ne se sont pas cantonnés à la reconstruction des villes. En parallèle, ils effectuaient des travaux saisonniers pour le compte de paysans locaux. L’été, ils découpaient les blocs qui jonchaient les sous-bois et des champs, et l’hiver ils ils transformaient ces blocs en bassins, socles de pressoirs, oratoires, pierres tombales,… en échange du gîte et du couvert. Peu à peu ils purent acquérir leur indépendance, rachetèrent des pièces de granite et des carrières, construisirent leurs maisons et des pensions de familles.
Ils se sont installés à Domancy, à Cordon, à Combloux, dans la vallée de Chamonix. Mon arrière-arrière-grand-père s’installa aux Houches. Il travaillait aurait travaillé sur une carrière du côté de Bochères aux Houches et sur la photo suivante, on le voit (le moustachu de profil, deuxième plan au centre) à l'oeuvre avec ses collègues dans la carrière du mont-Blanc.
La carrière du mont-Blanc est située quelque part (je vais la rechercher... ) le long du Nant du Gibloux, un torent qui descend de Plancert au dessus de Saint-Gervais jusqu'au hameau de l'Abbaye sur la commune de Passy. On la connait également sous l'appellation "carrière des Plagnes" ou "du Berchat".
Elle produit un jaspe rouge, le jaspe de Saint-Gervais, connu depuis très longue date puisque Vitaliano Donati en parle en 1751, et Maître Octenier en 1776, dans des écrits rapportés par Charles Vallot, signale qu'il y a derrière la paroisse une carrière d'une espèce de marbre dans le creux du ruisseau Gibloù. Rapidement tous les naturalistes de renom visitent le gisement, puis les touristes, le lieu devient une destination courue à quelques minutes des bains.
Ce jaspe est est fait d'une variété non transparente de calcédoine, laquelle est elle-même une variété cryptocristalline de quartz (parente de l'agate, de l'onyx ou de la cornaline).
Les beaux affleurements de jaspe triasique de la carrière du Gibloux ont été activement exploités. Les carrières donnèrent lieu à une véritable industrie du polissage avec scies mécaniques, des procédés de polissage à l'aide d'un mouvement de va-et-vient sur une plaque de grès. Elle fournirent d'innombrables vases, presse-papier, montants de pendules, sans compter les douze colonnes du premier étage de l'opéra de Paris.
Le sentier du granite de Chamonix a été réhabilité par l’Office national des forêts. Des passerelles aménagées au milieu des blocs de granite vous emmènent d’un poste de travail à l’autre, des panneaux illustrés expliquant les principales étapes du travail des tailleurs de pierre.
Le sentier chemine à travers un chaos de blocs erratiques et de petits panneaux expliquent en termes simples tout ce que l’on peut voir au long de ce parcours pittoresque et accidenté. Ce sentier permet de découvrir les traces habituelles laissées par un glaciers sur les roches plus dures, plus résistantes à l’abrasion, et qui ont créé le verrou glaciaire des Chavants.
Le sentier chemine dans une forêt où subsistent encore d’énormes blocs erratiques déposés il y a environ 15 000 ans lors du retrait du glacier. Le sentier réutilise les chemins et les rampes d’accès créés au début du XXème siècle. Vous y verrez les vestiges d’anciennes carrières (treuils, glissières, rampes d’accès, quai d’embarquement, …), des panneaux thématiques vous initieront à différents thème. La reconstitution d’une forge et une exposition de petits matériels complète le tout.
Le chemin est en accès libre et des visites guidées sont organisées par l’Office de tourisme de Combloux.
Ici le descriptif du sentier : http://destination-montblanc.com/index.php/fr/idees-randos/sentiers-a-theme/3097-sur-les-pas-des-graniteurs
De nos jours, Pierre Laurenzio perpétue cette tradition depuis quatre générations. Cette entreprise familiale est installée dans le village de Combloux et vous propose des bassins, des fontaines, des piliers, des escaliers, des tables, des bancs, voire la construction de bâtiments.
Sur place, une exposition est ouverte de 8 h à 12 et de 13h30 à 18h.
Entreprise Laurenzio
Taille de pierre
340, rte de la Barme
BP 37 - 74920 COMBLOUX
Tel : 04 50 58 60 96
Leur site : http://granit-montblanc.com
Société amicale des Géologues Amateurs – Association loi 1901 – Muséum national d’histoire naturelle – 43 rue Buffon – Géolgoie CP 48 – 75005 Paris - http://www.saga-geol.asso.fr/
Saga information – n° 268 – juin-juillet-aout 2007 – Les graniteurs du mont-Blanc par Philippe Berger-Sabatel
Au sujet de l’incendie de Sallanches, à lire : http://multicollec.net/4-savoie/doc-01/sal-01
Economie ancienne et transofrmations récentes la vallée de Montjoie (Haute-Savoie) par Jean Chardonnet
- sur les glaciers et les blocs erratiques : www.glaciers-climat.com
- Saga information – n° 268 – juin-juillet-aout 2007 – Les graniteurs du mont-Blanc par Philippe Berger-Sabatel
- Dossier SAGA à télécharger : http://destination-montblanc.com/index.php/fr/decouvrir-le-pays-du-mont-blanc-megeve-sallanches-cordon-combloux-chamonix-saint-gervais-les-houches/documentation-brochures/3156-les-graniteurs-du-mont-blanc
Les Graniteurs : les maîtres de la pierre au pays du mont-Blanc par Christine Burnier – Editions La fontaine de Siloë – 2008 – 252 pages
" Graniteurs "... Comme il sonne joliment, ce nom qui évoque le chant des burins mordant la pierre déposée par les glaciers sur les flancs de la vallée de l'Arve, voici quelques milliers d'années ! Pendant des siècles, les paysans de Combloux ou de Domancy n'avaient regardé qu'avec indifférence ou mépris les énormes blocs abandonnés à leur porte par les glaciers descendus du Mont-Blanc. Avec le temps, le peuple des ruraux était parvenu à tirer le meilleur parti possible de la forêt, des herbages ou des torrents, mais le granite lui était resté hostile : il abîmait la faux, gênait le soc de la charrue et endommageait trop vite les outils qui voulaient le tailler. Et puis voilà qu'au mitan du XIXe siècle, arrivent dans la région des hommes capables de soumettre à leur loi le noble granite. Ils viennent de vallées du Piémont ou de Lombardie où, dès le plus jeune âge, on apprend à jouer de la broche et du burin. A force de sang, de sueur et de larmes, l'immense cohorte des tailleurs de pierre va réussir à modeler le granite, dès lors choisi pour les constructions variées (de la bordure de trottoir aux barrages en passant par les grands hôtels et les villas) d'un pays en plein essor : une fantastique aventure commence... Sur les anciennes moraines glaciaires du Pays du Mont-Blanc fleurissent de nombreuses carrières. On tranche, on taille, on dégrossit, on apprête... Sous le ciseau des graniteurs naissent des dalles, des bassins, des monuments, expédiés parfois fort loin : l'âge d'or du granite s'écrit à petits coups de massette... C'est la saga de ces graniteurs, hommes d'exception à la personnalité si attachante, que Christine Burnier, petite-fille et arrière-petite-fille de tailleurs de pierre, se propose de vous conter.
Le cimetière de Chamonix : de superbes pièces de granit brutes ou taillées sont présentes sur les tombes de ce cimetière si particulier dont je vous reparlerai prochainement dans un nouvel article….
Le petit musée des minéraux de Bourg Saint Maurice possède quelques pièces du jaspe rouge de Saint-Gervais
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